Papillon contre rouleau compresseur : le combat de Cédric Herrou et des migrants

Vendredi
19 novembre, la médiathèque Jean Lévy accueillait Cédric Herrou,
auteur du livre Change ton monde, paru en 2020 aux Liens qui
libèrent. Ce sont les histoires de centaines de migrant·e·s à la
frontière franco-italienne, abandonné·e·s et assommé·e·s par
l’Etat. Derrière, c’est le récit à la première personne d’un
citoyen lambda qui, face à l’inhumain, a décidé de changer son
monde et d’ouvrir sa porte.

« Comment
détester une couleur de peau jusqu’à ne plus ressentir la
détresse d’un enfant ? »

Cédric
Herrou habite dans la vallée de la Roya, à cheval entre les Alpes
maritimes et l’Italie. En 2015, lors de la mise en place de l’état
d’urgence sous le gouvernement Valls, des contrôles aux frontières
sont réinstaurés dans la vallée. Un soir, touché par leur
détresse, Cédric propose d’héberger pour la nuit des personnes
croisées au bord de la route. Il découvre bientôt l’église de
Vintimille, lieu d’accueil pour des familles en souffrance et des
enfants qui pleurent. « Choqué par l’indécence »,
Cédric s’engage alors pour aider ces personnes en péril, et pour
détourner le « jeu de loi cynique » de l’État.

Tout
au long de son action, Cédric fait face à une France où « la
délation était devenue un sport local ». Une traque
frénétique aux personnes noires que l’on cache dans les coffres.
Des coups de fil à la police quand Cédric se déplace avec des
enfants migrants. Un berger qui délègue toujours à ses chiens la
garde du troupeau. « Les Noirs, toujours les noirs ». Une
sombre tache sur l’image dorée de la France des droits humains,
qui a de quoi choquer le journaliste du New York Times que Cédric
rencontre.

« Il
fallait que le papillon se pose sur leur joue et qu’ils finissent
par se coller une grosse claque dans la gueule »

L’entreprise
de Cédric s’apparente presque à de la piraterie. La méthode :
personnifier l’adversaire, et le piéger dans son propre jeu. Le
préfet des Alpes maritimes est dans la ligne de mire aux côtés
d’Éric Ciotti, alors président du conseil départemental. La
presse est utilisée comme un outil politique pour dénoncer les
pratiques illégales de l’État, et miner ainsi sa puissance de
nuire. Le but est de toujours semer le « rouleau compresseur »,
mais sans jamais tomber dans sa violence. Il fallait agir « comme
un papillon léger, fragile, vif, volant au devant du rouleau
compresseur ».

A
la fin de l’ouvrage, des collectifs, des associations, des actions
concrètes et légales sont établies. Suite à une rencontre avec
Emmaüs, Cédric cède son exploitation agricole à l’association.
Les personnes qui se présentent chez lui peuvent dès lors
travailler, s’occuper, et s’évader d’un état dépressif
chargé de traumatismes. Une action inspirante notamment pour la
génération future marquée par sa sensibilité. Cédric place
beaucoup de confiance en la jeunesse, et s’adresse au public avec
espoir que son changement de monde en impulse d’autres :
« votre devoir ce soir, c’est peut-être d’aller parler à
vos enfants ».